Cas du mois: ATM

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Un adolescent, âgé de 14 ans 6 mois, s’est présenté avec sa mère en clinique avec l’intention d’obtenir une deuxième opinion sur le plan de traitement orthodontique proposé par l’orthodontiste ayant traité son grand frère. Le patient était satisfait de ses dents et n’avait pas de plainte principale précise.

À l’examen extra-oral on remarque une rétrusion mandibulaire importante ainsi qu’une distance cou-menton réduite, tel qu’on peut le constater sur la photo de profil.

À l’examen intra-oral, on observe un surplomb horizontal de 6,0mm en IM et de 7,0mm en AC. Ceci se traduit évidemment par une classe II au niveau dentaire également en postérieur. Aussi, le patient présente une béance antérieure jumelée à une position antérieure de la langue au repos ainsi qu’à la déglutition. Ceci est sans surprise vu la nécessité de sceller la béance pour bien avaler. Finalement, la position linguale antérieure, a également, de façon typique, conduit à un déficit de la dimension transverse du maxillaire tel qu’on peut l’observer sur les photos intra-orales. Ceci démontre bien l’importance de déceler en bas âge les dysfonctions musculaires orales afin de pouvoir les traiter et ainsi d’en limiter les conséquences néfastes sur la croissance oro-faciale future.

En AC, seules les dents 17 et 46 sont en contact tel que le montrent les captures d’écran d’un modèle 3D. Cette instabilité occlusale force le patient à glisser d’environ 1,0mm antérieurement et 0,8mm vers la gauche, de sorte à rétablir des contacts du côté gauche aussi. Ce glissement ainsi que cette répartition inégale des forces masticatoires ont le potentiel de causer plusieurs problèmes :

1) Le glissement entre la AC et la IM déséquilibre les forces exercées au niveau des articulations temporo-mandibulaires, contribuant ainsi à une dégénérescence potentielle accrue à ce niveau;

2) Aussi, la présence de contacts occlusaux localisés en postérieur contribue à une augmentation de l’amplitude des forces au niveau des articulations temporo-mandibulaires comparativement à celles retrouvées dans une bouche avec une occlusion normale et bien répartie sur l’ensemble des dents;

3) De plus, la présence de contacts occlusaux localisés en postérieur augmente le risque de fracture de l’émail, d’usure ou de traumatisme parodontal de ces dites dents. Ceci est dû au fait que la totalité de la force masticatoire est concentrée sur les quelques dents qui sont en fonction alors que dans une bouche avec une occlusion normale, la force masticatoire est bien répartie sur l’ensemble des dents, chacune des dents recevant une petite fraction de la force totale;

4) Finalement, la béance antérieure se traduit également par des interférences au niveau des dents postérieures lors des mouvements latéraux. Les dents postérieures ne sont donc pas protégées par la fonction canine qui est absente.

Cette malocclusion dentaire typique constitue donc un cercle vicieux d’usure dentaire et articulaire. C’est pourquoi il est primordial d’apprendre à la détecter de façon précoce. Notons qu’ici la malocclusion est poussée à son extrême. Dans une pathologie articulaire qui progresse, la béance et le surplomb horizontal s’accentuent progressivement au fil du temps. Il ne faut donc pas attendre de voir une telle malocclusion avant d’investiguer l’état des ATM, on doit intervenir aux premiers signes.

La palpation des structures articulaires et musculaires ne révèle pas de douleur. Il n’y a pas de bruits articulaires palpables. Les mouvements mandibulaires sont dans les limites de la normale.

Après l’examen complet de sa bouche, le patient est interrogé une seconde fois et il rapporte finalement qu’il est conscient de grincer des dents pendant son sommeil et a observé qu’il serre des dents au cours de la journée. Il rapporte également qu’un blocage fermé s'est produit l'hiver précédent et il a alors ressentit de la douleur lors de la mastication. Le blocage a persisté durant plusieurs jours avant de se résoudre par soi-même. Le patient n’a ressenti aucune douleur depuis.

Au niveau de la radiographie panoramique initiale on peut voir qu’il y a un aplatissement de la surface supérieure des deux condyles avec un bec ostéophytique antérieurement.

À l'IRM, les ATM présentent des déplacements discaux des deux côtés et apparaissent comme étant potentiellement instables.

Du côté droit le déplacement discal antérieur est sans réduction en bout-à-bout et en bouche ouverte. Le condyle présente une sous-croissance possiblement associée à une arthrose dégénérative avec une corticale instable. De l’inflammation peut être observée au fond de la fosse ainsi qu’au niveau du ptérygoïdien externe. La pathologie articulaire se situe au stade Piper 4B.

Du côté gauche, on observe également un déplacement discal antérieur mais cette fois-ci avec réduction en bout-à-bout et en bouche ouverte. Ce condyle présente aussi une sous-croissance possiblement associée à une arthrose dégénérative avec une corticale instable. De ce côté, l’inflammation est localisée au niveau du ptérygoïdien externe seulement. La pathologie articulaire se situe au stade Piper 4A.

La découverte de sa condition articulaire précaire fut toute une surprise pour le patient et ses parents. Rappelons qu’à l’exception d’un seul épisode de blocage fermé, le patient ne présente aucun signe ou symptôme laissant présager de la sévérité de la situation. Ceci est un point important à se souvenir : les problèmes articulaires ne s’accompagnent pas toujours de douleur.

Le plan de traitement idéal consiste en l’exécution d’une expansion palatine rapide dans les plus brefs délais, puisqu’on estime que notre patient est déjà passé la moitié de son pic de croissance. Afin de réduire les forces au niveau des articulations temporo-mandibulaires un appareil d’expansion constitué d’un recouvrement occlusal en acrylique a été utilisé et ajusté méticuleusement à quelques reprises en cours d’expansion.

Une stimulation de la croissance mandibulaire pourrait aussi être tentée, mais vu le déplacement antérieur non-réductible du côté droit, un appareil myofonctionnel propulsant la mandibule antérieurement afin d’en stimuler la croissance pourrait également exacerber les troubles articulaires, poussant encore plus le disque articulaire antérieurement. Afin d’éviter de réveiller une douleur endormie, le patient a préféré ne pas tenter cette option.

Étant donné que la stimulation de la croissance mandibulaire se sera pas tentée, il a été recommandé au patient d’attendre vers l’âge de 19 à 20 ans pour procéder au traitement complet, c’est-à-dire à l’alignement des dents des deux arcades ainsi qu’à une chirurgie orthognatique ou du remplacement d’une ou des deux articulations temporo-mandibulaires selon l’évolution de sa condition.

Évidemment, étant donnée l’instabilité de l’occlusion d’ici là, il a été fortement recommandé au patient de porter une plaque occlusale la nuit entre les deux phases de traitement orthodontique. Ceci aura l’avantage de permettre de mieux répartir les forces occlusales sur les dents au moment où les parafonctions sont plus difficiles à contrôler, ainsi que de réduire ainsi la charge articulaire.

Points à retenir:

1) Même les adolescents peuvent présenter de la dégénérescence par arthrose ou par résorption idiopathique importante au niveau des articulations temporo-mandibulaires. Il est important de diagnostiquer de façon précoce ces conditions pour tenter d’en limiter les conséquences négatives;

2) Les problèmes au niveau des ATM peuvent être importants sans pour autant présenter de douleur;

3) Une béance antérieure jumelée à une déglutition infantile et/ou à une position linguale au repos antérieure peut être signe d’un problème articulaire et nécessite d’écarter cette possibilité en plus de la rééducation en orthophonie et le repositionnement en orthodontie qui sont également essentiels.

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